Création : 15 mars 1986, Allemagne, Cologne. 6 juin 1986 (deuxième version), Italie, Turin, par Susanne Otto : contralto, Roberto Fabbriciani : flûte, Giancarlo Schiaffini : tuba, Peter Hirsch : direction, Experimentalstudio der Heinrich-Strobel Stiftung, Luigi Nono : régie son. 8 octobre 1987, France, Paris (version définitive), par les mêmes interprètes.
Durée : 40′
Dédicace : À Massimo CACCIARI
Effectif détaillé : Contralto solo, flûte, tuba, 6 percussionnistes et dispositif électronique en temps réel.
Editeur : Ricordi
Par sa radicalité, est une œuvre emblématique de la recherche d’innovation de Nono après sa pièce Prometeo. Créée à Cologne le 15 Mars 1986, elle sera plusieurs fois remaniée par le compositeur pour une série d’exécutions ultérieures. « Résonances errantes » des instruments et de la voix. Pour son ultime version, Nono n’a choisi que des mots isolés dans les quatre poèmes issus de Battle Pièces d’Herman Melville (1819-1891) et dans le poème Keine Delikatessen d’Ingeborg Bachmann : « deep abyss », « pain crime », « Hunger – Tränen – Finsternis », « despairing », « death », « Verzweiflung », un paysage d’abandon, de désespoir et de mort. Les Rizonanze erranti sont le « voyage d’hiver » de Luigi Nono qui s’achève par un Fragment finale sospeso ! sur des questions – ich ? du ? er ? sie ? wir ? ihr ? (moi ? toi ? lui ? elle ? ça ? nous ? vous ?)- la dernière assortie de l’indication « duro, wie Anklage, lasciando sospeso » (dur, comme une accusation, laissant en suspens). Mais elles recèlent aussi une autre dimension, historique : la page de titre de la partition stipule « échos de Guillaume de Machaut, Josquin Desprez et Johannes Ockeghem ». Nono cependant ne cite que deux ou trois notes initiales de ces œuvres de musique ancienne remontant aux lointains XIVème et XVème siècles. Elles sont chantées par la voix comme par les instruments et transportées par l’électronique dans des espaces sonores toujours renouvelés ; contrairement aux fragments de Melville, issus de la guerre civile américaine ou de la « trentième année » catastrophique d’Ingeborg Bachmann, auxquels sont attribués des espaces sonores spécifiques. Les instruments créent de violents contrastes de tessiture et de dynamique, mais Nono expérimente en même temps les transitions imperceptibles entre les sons vocaux, instrumentaux et transformés électroniquement. On croirait à une invocation des vastes espaces de l’Enfer de Dante (3’22) : « Quivi, sospiri, pianti et altri guai / Risonavan per l’aer senza stelle » (là, soupirs, sanglots et cris perçants / résonnaient dans un ciel sans étoiles) – monde tout à la fois très proche et très étrange. Et sans cesse les coups durs des bongos, les résonances délicates des crotales et les battements mystérieux des cloches sardes semblent se perdre dans les espaces et les longs silences qui séparent les îles des fragments. « Elle n’a pas chanté des rôles, mais vécu sur le fil du rasoir » écrivait Ingerborg Bachmann à propos de Maria Callas. Chez Melville, Bachmann et Nono, ce sont exactement ces mêmes situations extrêmes. Avec comme objectif pour l’auditeur – selon Nono- : « de tout élargir, de tout approfondir, de susciter d’autres changements, mutations humaines, sentiment, social, reforme, pensée… »
Jürg Stenzl
Traduction : Catherine Fourcassié
Livret (détail, auteur) : Ingeborg Bachmann et Herman Melville