WOOD JAMES – Journey of the Magi

Commanditaires : Etat / Percussions de Strasbourg / Musica
Création : 04/10/2000, avec le Nouvel Ensemble Moderne de Montréal, au Festival Musica, Strasbourg 
Effectif : Pour ensemble instrumental et 6 percussions
Durée : 18′

Écrit alors que le monde chrétien célèbre le 2000e anniversaire de la naissance du Christ, Journey of the Magi remémore l’une des plus mystérieuses et des moins documentées des histoires qui ont entouré le premier Noël. Des quatre évangélistes, seul Matthieu parle du voyage qui mena jusqu’à Bethléem trois astrologues venus de l’Orient, apparemment guidés par une étoile, pour se prosterner au pied du nouveau roi.

Plusieurs théologiens ont émis l’hypothèse d’une histoire plus symbolique que réelle, et de fait de nombreux artistes et poètes classiques ont joué de l’effet qu’ils pouvaient tirer de ce symbolisme. Il en est de même en ce qui me concerne : Journey of the Magi ne se rapporte pas tant au simple périple des trois astrologues qu’à la diffusion d’une religion, comme l’attraction de la lune sur les eaux, au besoin qu’ont les hommes d’une croyance religieuse d’une sorte ou d’une autre, leur tendance à se regrouper autour d’une foi commune.
Conséquemment, Journey of the Magi évolue d’un état de chaos (obscurité) à un état d’ordre (lumière), ce qui se traduit musicalement de plusieurs façons, la première étant la répartition dans l’espace des exécutants. Au fil de l’œuvre, les musiciens passent d’un état de dispersion maximale autour du public – à l’ouverture – à celui d’une intégration maximale sur la scène – à la fin. La musique suit cette même trame, allant du plus diffus et estompé à l’ouverture au plus concentré et au plus précis à la fin. C’est comme observer la formation d’un cristal ou d’un glaçon en accéléré.
L’état de chaos (obscurité) initial est marqué par l’utilisation de cinq conques que l’on entend répondre à l’appel du cor qui ouvre l’œuvre ; elles représentent la mer, le déluge, donc le chaos. Ensuite, cinq musiciens principaux sont déployés autour du public ; ils figurent une étoile dont quatre des pointes sont en constante dévolution autour de la cinquième – le corniste – qui seule reste fixe. De ces autres pointes, à la fois la position et l’instrument changent au fur et à mesure que l’étoile se reforme progressivement sur la scène.
Au cœur de la musique, le fil continu d’une mélodie basée sur la transcription de la configuration (et de la permutation géométrique) de huit constellations associées à la période de notre solstice d’hiver (et donc, symboliquement, celle de la naissance du Christ). Ce fil mélodique se déplace continuellement d’une pointe de l’étoile à l’autre selon un cheminement toujours changeant ; c’est lui qui permet à l’auditeur de repérer l’évolution progressive de la forme et du mouvement de l’étoile.
Au centre de la scène, trois musiciens figurent les mages – un piano (partiellement préparé) et deux percussionnistes mettant en œuvre des gongs et autres instruments au son riche doté d’un spectre complexe, qui représentent l’or et les épices exotiques que les mages apportent en offrande. Ces musiciens, bien sûr, ne se déplacent pas ; nous sommes les témoins de en le voyant à travers leurs yeux, alors qu’ils se dirigent vers l’ouest en se guidant, comme le ferait un marin, sur les signes du ciel, calculant sans cesse leur position et leur direction d’après celle, en constant mouvement, des étoiles qui les entourent.