Création : 08 septembre 2007 à l’Abbaye de Royaumont
Commande : Etat Français
Durée : 18′
Chandelle pour six percussionnistes. En 7 mouvement et 17 tableaux
Ur Timon est une sorte de concerto dans lequel chacun des solistes vient à son tour au centre du dispositif, quand les cinq autres constituent ce qu’on appelait à l’époque baroque le ripieno. Le jeu de la chandelle appliqué à un rituel de sons, dans la mesure ou Ur-timon se joue en cercle, autour d’un point focal : la place du soliste avec son autel/établi. Pour autant ces soli n’ont rien de virtuoses. Ils sont plutôt la circulation d’un petit théâtre du son où chacun vient paraître à son tour, et prend la parole selon sa spécialité.
La percussion ici utilise peu du matériel impressionnant dont le XXème siècle la harnachée. Le petit concerto en castelet sonne le global warming (c’était d’ailleurs le premier titre de la pièce) lorsque plus rien n’est trié, ni jeté – à commencé par les sons eux-mêmes. Tout au contraire, la pauvreté est de rigueur, la musique allant vers ces constructions enfantines où tout fait son, tout est enrôlé pour « faire » l’orchestre (bouteilles de plastique, verres, biscottes, élastiques, jouets, appeaux pour la chasse). Dans cet atelier de recyclage, la part n’est jamais nette en ce qui est le plus rêvé ou le plus moqué.
Ur-timon est découpé en tableaux et saynètes qui sont comme l’histoire de cette arche de Noé du son recyclé. Chaque déplacement des solistes vers son « établi » est marqué par des marches, fanfares ou conductus. Chaque mouvement du concerto est dédié à une matière qui, selon une dramaturgie progressive de transformation des éléments, devient, à l’instar de l’Enfer de Dante, où des Journées de Sodome de Sade, un cercle en tant qu’étape d’une initiation. Voici la forme.
Le titre renvoie à la cité sumérienne d’Ur, aujourd’hui en Irak près de Bassorah, et qui aurait été la ville d’Abraham, selon la Genèse. Mais tout autant au préfixe allemand, qui, sans rapport étymologique, désigne aussi l’origine. Pour les faiseurs de sons – le compositeur et les instrumentistes – rien n’est poignant comme cette fabrique du timbre qui semble toujours renvoyer à une antériorité vertigineuse. Le timon dont il est question ici désigne le soliste en tant qu’il dirige ce rituel, plus ludique que solennel ou sacré. De cela résulte un imaginaire privilégiant les instruments de fortune, les accessoires, les jouets, ou bien les instruments de musique habituellement non pratiqués par les percussionnistes, de sorte que, par un décadrage, qui est la règle du jeu, chacun s’avance à contre-emploi.
À cette partie de furet sonore (on pourrait appeler cela aussi « la main chaude », sous-titre idéal), il faut un mobile. Ce serait : le plus de sûreté dans la fragilité, mais aussi, un mime de l’innocence, plus aventuré parfois que l’origine.
Gérard Pesson Mai 2007