Création : 1er juin 2024 – Nuit Blanche – Haut/Bas/Fragiles, Africolor, Bobigny
Commanditaire : Les Percussions de Strasbourg
Effectif : 4 percussionnistes
Durée de l’oeuvre : 20′
Un tournoi. Des tournoiements. Un stade, des coureurs – musiciens-sportifs et sportifs-musiciens. Des frontières bien floues entre les rôles de chacun… un public et des amateurs sollicités pour apporter leur pierre à l’édifice d’une étrange cathédrale rythmique. Et une grande jubilation à faire tourner une mystérieuse mécanique du temps. Pas d’hymne en prélude – l’hymne, c’est la course elle-même. Quoi de plus cyclique que des tours de piste ? Chacun, musicien, athlète, amateur, public, avec ses propres moyens, invente la musique harnachée à la fantastique armature spatiale et temporelle d’une course. La Fantaisie tournoyante est une rencontre du sport et de la musique à l’endroit du rythme. Les pas donnent le « la », le sport comme la musique ne sont pas qu’une affaire de performance individuelle : ils sont aussi affaire de collectif et de solidarité – que l’on songe pour s’en convaincre à ce qu’est une mêlée de rugby, ou à la couleur reconnaissable entre mille de tel ou tel ensemble vocal. Dans la fantaisie tournoyante, la solidarité s’exprime à travers l’interdépendance de chacun des acteurs de la performance : les temps des pas des coureurs et coureuses sont liés aux sons des percussionnistes, les courses des sprinteurs marquent les grandes étapes sonores d’une course musicale imaginaire, etc. Pas de chef d’orchestre, pas de maître du temps mais une mécanique sonore et gestuelle bien précise où tous les acteurs, interconnectés, participent à une oeuvre commune. Où les pas donnent le « la ». Un dispositif révélateur de la musique des corps. Microphone, capteurs et diffusion sonore rendront sensibles une dimension d’ordinaire plus silencieuse de la mécanique des corps en mouvement : ils seront les révélateurs de la rythmique organique des courses, des « chants de l’effort ». Le temps des pas des athlètes seront connectés (via des capteurs) aux frappes des percussionnistes sur des tambours de bois. Phasage, déphasage… les pulsations ainsi enchevêtrées nous invitent à entendre les polyvitesses « naturelles » des athlètes. A rendre sensible leurs rythmes, à aiguiser nos perceptions des couches rythmiques des corps. Le microphone agira en véritable loupe des rythmes en nous donnant à entendre les scansions des respirations déphasées des athlètes. Véritable crescendo à même de donner la trajectoire formelle de cette musique, il est une ossature dramaturgique de la performance. Les couches de vitesses Aux phasages et déphasages des pas et des respirations, s’ajoutent de nombreuses pistes (!) sonores. Ce sont les couches de vitesses de cette fantaisie. Les courses de sprinter marquant les demi-tours de pistes créeront un grand tohu-bohu en actionnant une installation de percussions, véritable parcours de jeux sonores à l’image de parcs d’attractions.
Le rythme sera en outre marqué par des musiciens-coureurs, réalisant un parcours en spirale, jonché de gongs, véritables ponctuations de la course. Et puis la musique sera rythmée par la participation des choeurs amateurs. Une version improbable du viking clap islandais sera interprétée de façon contrapuntique, tribune contre tribune, un peu comme si les idées baroques de polychorale à la Gabrielli avait trouvé un nouvel espace d’expression dans un stade : la clameur elle-même joue au phasage déphasage.
Des tours…
Aux tours des coureurs-musiciens viendront répondre les tournoiements des musiciens-athlètes : Les musiciens armés de cymbale venant tournoyer autour des peaux sur lesquelles elles frottent, venant ainsi créer un continuum sonore ; la musique des rhombes tournoyant dans l’air ; les yeux des percussionnistes suivant, en tournant lentement, la course qui se déroule, à l’écoute du clic des pas dans leurs casques… Les tours et tournoiements créent ainsi la trame sonore de la performance, en provoquent également l’ivresse, une étrange forme de transe, que les pulses contrariées amplifiées des pas viennent souligner.