LEVINAS MICHAEL – Transir – Hommage à Fausto Romitelli

Création : 28 août 2005 à l’Abbaye de Royaumont
Musique et conception : Michaël Levinas 
Effectif : 6 percussionnistes
Durée : 16′
Edition : Lemoine  

Cette pièce écrite en hommage à Fausto Romitelli développe ce que j’appelle l’altération et les polyphonies paradoxales. 1) De l’altération des échelles et du phénomène de Doppler dans Transir Il s’agit d’échelles modales qui évoluent par altération progressive. Ce principe d’altération lente s’inspire du phénomène de Doppler. Il exprime l’essence même de la temporalité qui est à l’origine de la perception de la forme de TRANSIR. (on peut entendre, par-delà la référence ethno-musicologique ce phénomène de l’altération des échelles chez Bartok bien que la référence formelle chez lui reste la sonate). 2) Les polyphonies paradoxales Dans Transir, les échelles sont réinterprétées en multiplications d’intervalles disjoints (le mouvement conjoint de la tierce devenant une dixième etc.) créant des lignes polyphoniques « en diagonales contrastées ». Ces polyphonies paradoxales qui développent une écriture amorcée, chez moi, dans mon quintette à cordes « Lettres enlacées II » provoquent une perception paradoxale et psycho-acoustique des « mouvements escarpés » entre les registres. Cette polyphonie qui transgresse « l’étanchéité traditionnelle » des registres et des voies, constitue des « faisceaux giratoires » à la fois harmoniques et polyphoniques. J’ai commencé à construire cette écriture et à concevoir cette auto-genèse entre la polyphonie et « harmonique » à partir de mes pièces plus strictement instrumentales : Rebondset Par delà (1992 et 1994). Il y a dans cette conception de l’altération et de la polyphonie une « redistribution » des relations des paramètres entre eux, et (pour moi) une ouverture de l’écriture du timbre vers de nouveaux imaginaires. 3) La transe et le processus Mon hommage à Fausto Romitelli veut évoquer tous ces mois d’entretiens téléphoniques nocturnes, alors que j’écrivais l’ouverture des Nègres, et travaillais les études de Ligeti ainsi que Le clavier Bien Tempéré en vue de mes enregistrements chez UNIVERSAL. Nous évoquions ensemble, le sentiment de la « transe » mais aussi les impasses du processus spectral trop rigoureux ainsi que la limite des « échéances temporelles »de certaines études de Ligeti. « La fin de ces études sont souvent décevantes », disions- nous. « Mais quelle est la cause de ces désinences un peu tristes ? » C’est dans ces échanges, loin des pressions institutionnelles, que j’ai trouvé une partie de mon énergie pour concevoir le « temps formel des échelles altérées » et l’entrelacement des lettres ainsi que le vertige paradoxal du timbre polyphonico-harmonique : une vraie ouverture de l’écriture. Si dans l’ouverture des Nègres la polyphonie est strictement homophonique sur le plan rythmique, dans Transir la percussion des claviers, permet d’introduire dans le processus d’altération des échelles, la désynchronisation et un mimétisme étrange (dans cette désynchronisation) entre l’harmonique et l’inharmonique. Il s’agirait d’un mimétisme polyphonique entre le timbre tempéré et son double bruiteux. Encore une modalité de l’altération. Je pense sans cesse à ces dialogues nocturnes avec Fausto, entre Sanary, Paris, Milan, Gorizia. La transe, disait-il ! Dans l’usage du français du XVI siècle, transir voulait dire aussi, mourir.
Michaël LEVINAS